Le deuxième comportement inné de l'enfant est le comportement d'imitation.
L'enfant imite d'instinct dès les premiers jours de sa vie les comportements qu'il voit et entend, surtout ceux que l'on a à son égard. Frapper un enfant, ce n'est donc pas seulement le dresser par l'effet de la peur des coups, c'est aussi le conditionner à la violence en lui en fournissant des modèles qui s'intègrent à la gestuelle de son corps, avant même qu'il ait pu comprendre quoi que ce soit à ce qu'on exigeait de lui.
De plus, les coups sont en contradiction radicale avec les principes fondamentaux communs à toutes les traditions et les religions et que tous les parents cherchent à inculquer à leurs enfants, même s'ils ne les mettent pas eux-mêmes en pratique : "Ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas qu'on te fasse" et "Ne frappe pas un être plus petit que toi". L'enfant frappé subit littéralement un électrochoc. Il subit simultanément deux messages contradictoires : une leçon de morale ("Ne fais pas aux autres...") et une leçon gestuelle violente ("Fais aux autres, comme je le fais en ce moment, ce que tu ne veux pas qu'on te fasse"). Cette contradiction subie à travers son corps et son esprit ne peut que perturber gravement les capacités morales et les capacités logiques de l'enfant. Il est vraisemblable que beaucoup de nos incohérences ont ces électrochocs pour origine.
Autre comportement inné de l'enfant : le comportement de soumission. On l'observe aussi chez les adultes humains dans le cas du "syndrome de Stockholm" : des otages soumis à un stress intense prennent la défense de leurs ravisseurs, éprouvent une irrésistible sympathie pour eux, adoptent leurs idées, voire leur comportement et, dans certains cas, en tombent amoureuses. Même si les parents ne sont pas des ravisseurs ni les enfants des otages, la situation des enfants est une situation de totale dépendance matérielle et affective. Aussi, quand le stress des coups intervient dans la relation, les enfants incorporent plus profondément encore qu'à l'ordinaire les jugements implicites et/ou explicites qui accompagnent les coups. Ils s'identifient à leurs parents. Ils s'autoaccusent, nient leur propre personnalité, se coupent de leur boussole intérieure.
Enfin, dernier comportement inné perturbé par les coups : le comportement de sauvegarde. C'est celui qui, au moindre signe de danger provoque en nous le réflexe de fuir ou de combattre. Chez le petit enfant, ce réflexe se limite à la fuite (le plus souvent dans les bras de sa mère) ou à l'appel au secours. Les expériences de Henri Laborit, présentées dans le film d'Alain Resnais Mon oncle d'Amérique, ont montré que lorsque des rats sont dans l'impossibilité de fuir ou de combattre, les hormones du stress qui sont normalement destinées à assurer ces deux fonctions se retournent en quelque sorte contre l'organisme et l'autodétruisent. La tension monte, les tissus gastriques sont atteints, mais aussi les neurones. Certaines parties du cerveau (corps calleux, hypophyse) s'atrophient littéralement comme cela a pu être vérifié au scanner. Or, la situation de l'enfant frappé est exactement celle du rat qui ne peut ni fuir ni combattre. De plus, pour lui, l'expérience se répète souvent tout au long de la période pendant laquelle son cerveau se forme et ses neurones s'interconnectent. Le système de sauvegarde, système fondamental pour l'équilibre de l'individu, ne peut qu'être gravement perturbé par une telle répétition. Il n'est pas étonnant par exemple que les victimes d'agressions sexuelles (de la part d'étrangers à leur famille) soient souvent des enfants qui ont subi des mauvais traitements : leur système de sauvegarde, altéré, ne les prévient peut-être plus des dangers possibles.
Il faut encore ajouter qu'une des réactions du cerveau, en cas de danger physique, est de "débrancher" le système immunitaire, consommateur d'énergie, pour concentrer toute celle-ci sur les membres afin de fuir ou combattre. Il est très probable que ces ruptures répétées de la fonction immunitaire, aggravées par l'état de stress, expliquent le fait que les enfants battus ont souvent plus de maladies et d'accidents que les autres. Là encore, c'est une fonction centrale qui est atteinte chez l'enfant.
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