Se reposer pour guérir vraiment...
de Jean-Jacques Crevecoeur
"Pendant mon enfance et mon adolescence, j’ai connu de nombreuses
périodes de maladie. À chaque fois, le même rituel se mettait en place.
Mes parents appelaient le médecin de famille qui se précipitait à mon
chevet pour m’ausculter, m’examiner, prendre ma température, mesurer mon
pouls, écouter le souffle de ma respiration, palper mes viscères…
Presque toujours, la visite se terminait par une prescription
(antibiotiques, sirops, médicaments) et par la même recommandation : « Surtout du repos, mon ami ! »À partir de là, je passais de longues heures à lire ou à dormir, en attendant que les remèdes salvateurs fassent leur effet. Je pensais, à cette époque, que seuls les médicaments pouvaient me venir en aide, et que la recommandation de rester couché ne trouvait son sens que pour leur donner le temps d’agir.
Quarante ans plus tard, je constate que de plus en plus de patients sont devenus… impatients ! « Docteur, je suis malade. Guérissez-moi vite, et donnez-moi aussi quelque chose pour que je puisse retourner au travail aussitôt que possible. Je n’ai pas le temps d’être malade, moi » est une demande que beaucoup de médecins reçoivent dans leur cabinet aujourd’hui…
C’est ainsi qu’aux remèdes prescrits vient s’ajouter souvent un supplément vitaminé, un remède pour stimuler, pour booster, pour « réénergiser » notre organisme le mieux et le plus vite possible… Même ceux qui se soignent par les approches naturelles tombent souvent dans ce piège de la performance. À l’expérience, je suis convaincu que cette tendance ne relève ni du progrès, ni du bon sens. Pire, elle constitue probablement une des attitudes les plus contraires aux besoins de notre corps.
Les mécanismes de l’homéostasie
Pour comprendre mon propos, retournons à la physiologie du corps.
Depuis le début de cette rubrique, je vous parle de santé et de maladie
en termes d’équilibre et de déséquilibre. Souvenez-vous, dans le numéro 1
de Néosanté, je vous proposais cette image de la maison comme
représentation allégorique du corps. Lorsqu’il accumule ses poubelles,
notre corps s’éloigne de l’équilibre, son stress intérieur augmente, et
aucun symptôme n’est visible. Par contre, lorsqu’il se débarrasse de ses
poubelles, son stress diminue et tous les symptômes morbides
apparaissent : fièvre, éruptions, écoulements, etc.En médecine chinoise, la phase où le corps s’éloigne de l’équilibre, accumule du stress et n’exprime aucun symptôme est nommée la phase froide de la maladie. Celle où le corps revient vers l’équilibre en lâchant le stress et en sortant ses poubelles est appelée la phase chaude de la maladie. Cette observation faite par les Chinois depuis plus de 2.500 ans, la physiologie moderne la redécouvre progressivement depuis un peu plus d’un siècle, sans pour autant en exploiter toutes les possibilités. Claude Bernard (1813-1878), le fondateur de la médecine expérimentale, avait défini l’homéostasie comme « la capacité d’un système à conserver son équilibre de fonctionnement en dépit des contraintes extérieures ». Mais les mécanismes impliqués étaient, à l’époque, très difficiles à déterminer. C’est en 1903 que John N. Langley (1852-1925) introduit la notion de système nerveux autonome pour décrire la composante du système nerveux en charge de notre homéostasie. Il le qualifie d’autonome simplement parce que cette partie du système échappe complètement à notre volonté consciente.
Sans entrer dans des détails qui dépasseraient de loin le cadre de cette rubrique, retenons que le système nerveux autonome se compose de deux sous-systèmes : le système sympathique (parfois appelé orthosympathique) et le système parasympathique (aussi appelé système vagal). Le système sympathique, c’est en quelque sorte la pédale d’accélérateur de notre corps ; le système parasympathique, c’est la pédale de frein. En effet, pour assurer son équilibre et sa survie, le corps a besoin à certains moments d’accélérer certaines fonctions tandis qu’à d’autres moments, il a besoin de les freiner. Par contre, il existe une loi biologique d’alternance qui règle le ballet entre les deux pans : quand le système sympathique est activé, le système vagal est inhibé et inversement. Pas question donc, pour le corps, d’accélérer et de freiner en même temps.
Deux phases antagonistes et complémentaires au service de notre équilibre
Pour mieux comprendre, observons la nature. Si un animal est
confronté à un prédateur ou à un danger extérieur, il doit être très
performant pour assurer sa survie, soit en luttant, soit en fuyant. Pour
ce faire, son système sympathique se charge de dilater ses artères
coronaires et musculaires, d’accélérer ses battements cardiaques et de
dilater ses bronches pour apporter aux muscles un maximum de puissance.
Des hormones comme l’adrénaline et le cortisol créent un état de stress
aigu nécessaire pour aider l’animal à faire face. Par ailleurs, toutes
les fonctions non nécessaires à cette lutte pour la survie vont être
bloquées temporairement, pour concentrer toute l’énergie disponible vers
les organes impliqués dans la lutte et dans la fuite : sa digestion se
ralentit, son tractus intestinal s’arrête, la surface de sa peau se
refroidit… On comprend d’ailleurs mieux pourquoi les Chinois qualifient
cette phase sympathicotonique de phase froide.Autrement dit, tant que le danger n’est pas écarté, notre corps reste en surrégime. Tant que le « problème » n’est pas résolu, pas question de dormir, de s’alourdir en mangeant, de sortir nos poubelles ou de perdre de l’énergie en chauffant la périphérie du corps…
Par contre, une fois le danger écarté, une fois le problème résolu, le système nerveux autonome active immédiatement son autre composante, le système parasympathique. Dès cet instant, le cœur ralentit, les artères coronaires et musculaires se contractent et l’acétylcholine prend le relais de l’adrénaline et du cortisol. Pour retrouver complètement l’équilibre, les sécrétions du système digestif reprennent, le tractus intestinal se remet en route, et une sensation de chaleur intense se manifeste à la surface du corps. Cette phase parasympathicotonique correspond à ce que les Chinois appelaient la phase chaude. C’est à ce moment-là que se manifeste en nous le besoin de nous reposer, de récupérer, de dormir. Après le combat, il est nécessaire que le guerrier se repose.
La raison d’être de la fatigue et du repos
Dans ses travaux, le docteur Hamer a donné une place centrale à ces
notions de sympathicotonie et de parasympathicotonie (qu’il nomme
vagotonie, parce que c’est le nerf vague qui est impliqué dans la
régulation végétative de cette phase). Pour lui, c’est à partir d’un
choc brutal que tout notre corps se met en stress. C’est pendant cette
phase que se développent silencieusement nos maladies, nos tumeurs, nos
pathologies. Et à part le stress ressenti, la perte de sommeil et
d’appétit, aucun signe ne peut nous alerter de l’éloignement de notre
équilibre. Contrairement aux animaux, cette phase de sympathicotonie
peut durer des semaines, des mois ou des années. Une fois que nous
trouvons enfin une solution, notre corps bascule instantanément en phase
de vagotonie, avec tout son cortège de symptômes tels que je les ai
décrits plus haut.Cette deuxième phase a pour objectif la récupération, la régénération, la réparation, le rééquilibrage. Pour atteindre cet objectif, une condition absolument nécessaire s’impose : SE REPOSER. Sans aucun compromis. Faire ce que tous les animaux sauvages font lorsqu’ils ont combattu ou lorsqu’ils ont été blessés : se coucher dans une tanière ou dans un fourré, et attendre patiemment que les lésions se réparent. Si nous ne faisons pas cela, si nous voulons continuer à travailler, à créer, à faire du sport, à être en activité, sans le vouloir et sans le savoir, nous stimulons à nouveau le système sympathique. Et par conséquent, nous bloquons notre système parasympathique, empêchant par là même tout processus de guérison de s’accomplir…
Finalement, mon vieux médecin de famille avait bien raison à l’époque en me conseillant le repos ! Saurons-nous nous inspirer de cette sagesse que les animaux sauvages n’ont pas perdue ? Et comment mettre en œuvre les conditions favorables à ce repos régénérateur : c’est ce que nous verrons le mois prochain".
(extrait de http://jean-jacques-crevecoeur.com/index.php?option=com_content&view=article&id=432:neosante07&catid=66:corps&Itemid=100)
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